Le verre fascine les hommes depuis des millénaires. Il est malléable, peut se métamorphoser en toute sorte de formes, peut être peint, décoré, ou même singer d'autres matières. A Venise, sur l'Ile de Murano, les artisans travaillent le verre depuis le Moyen-Âge.
A la chute de l'empire Byzantin, Venise hérite des secrets de la Rome Antique, et du savoir faire des artisans du monde Islamique. Mais pour des raisons de sécurité anti-incendis, les fours des maîtres verriers sont transférés sur l'île de Murano toute proche, dès 1291. Cette obligation permet aussi de garder jalousement les secrets de fabrications, sous peines de sanctions.
L'association des maîtres verriers et des meilleurs peintres en émail permet la création de véritables chefs-d'oeuvres. Des pièces uniques qui savent s'adapter au goût du jour et aux caprices des grands. L'art des maîtres vénitiens traverse ainsi les époques Renaissance, Baroque, Rococo, Classicisme, éclectisme, Arts-Nouveaux ou Art-Déco. Aujourd'hui encore Murano attire les plus grands maîtres verriers dans ses ateliers.
Carrefour commercial entre l'Orient et l'Occident depuis le XIIIe siècle, Venise a dominé les arts du verre pendant sept siècles. Elle seule connaissait la technique de la peinture à l'émail, avant sa diffusion plus tard dans toute l'Europe. Les artisans, réunis au sein de "l'Arte di Vitrai" rivalisaient de raffinement pour créer des verres polychromes, ornés de feuillages, d'animaux ou d'armoiries, mais aussi des verres décolorés à la transparence du cristal de roche.
On doit l'invention du cristal vénitien à Angelo Barovier (1405-1460), ce verre à la transparence inégalée. Mais les grands de ce monde pouvaient aussi lui préférer le Lattimo, un verre blanc, opaque. Ou bien opter pour une coupe en Calcédoine. Mais le verre des artisans de la Renaissance pouvait aussi imiter la porcelaine, ou être veiné comme une pierre dure.
Question couleur, les maîtres verriers de Murano en connaissaient un rayon : la palette raffinée de leurs créations allaient du violet améthyste au vert émeraude, en passant par le bleu Paon impérial, intense et brillant, obtenu avec de l'oxyde de Cobalt. Et pouvait se parer d'or, ce qui ne manqua pas de séduire les papes, les rois et les princes européens, qui collectionnaient calices, coupes d'inspiration chinoise, cruches et flacons au goût islamiques ou encore verres colorés armoriés.
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Améliorant sans cesse leur technique, les maîtres verriers redécouvrent le verre filigrané, vieille technique antique, qu'ils renouvellent pour obtenir de magnifiques effets chromatiques. Ils s'essayent aussi au verre craquelé, obtenu par choc thermique de la matière incandescente avec de l'eau froide. La peinture à froid fait son apparition pour une plus grande précision des détails, mais elle ne supporte pas l'usage quotidien, ni les lavages. Les verriers inventent aussi la gravure à la pointe de diamant, qui permet de graver avec précision des scènes complexes.
La production de Murano est bientôt imitée partout en Europe, avec les ateliers de maîtres verriers "façon de Venise". Mais la suprématie de Venise reste entière jusqu'au XVIIe siècle.
Le Baroque avec sa fantaisie débridée, renouvelle l'art du verre. Désormais les artisans peuvent se permettre toutes les bizarreries esthétiques. Verres à renflements ouverts multiples, cols ondulés, bulles écrasées, anses ciselées représentant fleurs, insectes, oiseaux, feuillages. Mais le baroque est aussi l'art de l'illusion, et le verre sait imiter tous les autres matériaux.
La mode du café et du chocolat permet la création de nouveaux objets spécifiquement destinés à la dégustation de ces breuvages. Mais dès le XVIIIe siècle, les maîtres verriers produisent aussi des lustres et des lampes en cristal zoomorphe, des vases et des calices agrémentés d'anses ciselées et de couleurs chatoyantes comme le rubis. Scènes bibliques ou paysages sont peint sur du verre opaque façon porcelaine. On voit aussi apparaître les "surtouts" disposés au centre de la table sur un miroir.
Mais Napoléon Bonaparte met fin à l'indépendance de la République de Venise en 1797. La ville devient française, puis autrichienne et enfin italienne en 1866. La décadence est consommée, mais curieusement c'est alors que naît le mythe de la ville romantique. L'occupant autrichien taxe lourdement les verres de Murano qui peinent à s'exporter. Pour survivre les maîtres verriers se lancent dans la production de perles de verre très prisées au XIXe, notamment pour les échanges avec l'Afrique. Murano invente aussi la marqueterie en émaux de verre colorés, destinée à orner le dessus des tables.
L'aventurine aux reflets brillants et dorés, soufflée ou taillée, flatte le goût d'une clientèle bourgeoise sensible à l'éclectisme de son temps. Mais après la première guerre mondiale, les verriers de Murano reviennent à des formes simples et épurées. Pourtant ce n'est qu'après 1945 que Murano connaît véritablement une période euphorique de création et de design.
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